L'hôtel de ville en flammes
Paris livre un combat désespéré. Un tiers de la ville est en flammes. Ce matin, les derniers élus évacuaient l’Hôtel de Ville, menacé par l’avancée des Versaillais. À 10 heures, le bâtiment est enveloppé par les flammes. Dans l’après-midi, les lignards prennent le Panthéon. Depuis la prise de Montmartre hier matin, les exécutions sommaires se multiplient dans tous les quartiers envahis. En représailles, les fédérés fusillent 6 otages, dont l’archevêque de Paris, Mgr. Darboy, à la prison de la Roquette. Ce soir, les Buttes-Chaumont et la Butte-aux-Cailles tenaient encore.
À l’aube, les Versaillais reprennent l’offensive. Rive gauche, la barricade du carrefour de la Croix Rouge, et de la rue de Rennes ont été évacuées dans la nuit. Au centre, Brunel avait reçu l’ordre d’abandonner la barricade de la rue Royale. À minuit, il se replie avec ses hommes et ses canons par la rue Saint-Florentin.
À l’Hôtel-de-Ville, c’est la panique. Une quinzaine d’élus, qui redoutent d’être encerclés, décident de l’évacuer. À 8h, les derniers élus de la Commune quittent le bâtiment. Vers 10h, les flammes l’enveloppent, et jaillissent du beffroi. À 11h le bâtiment est un brasier. Le centre de Paris est encore défendu par barricade de la tour Saint Jacques qui ferme la rue de Rivoli. Les principaux services et la délégation à la Guerre s’installent à la mairie du 11ème.
Rive gauche, les Versaillais gagnent du terrain. Vers midi, les soldats prennent l’école des Beaux Arts et la Monnaie de Paris. Sur le point d’être cerné sur l’île de la Cité, Ferré ordonne l’évacuation de la préfecture et sa destruction. On libère les 450 prisonniers retenus pour des délits mineurs, et la préfecture est incendiée. Seule exception, Vaysset, l’agent de Versailles qui avait tenté de corrompre Dombrowski. Il est fusillé sur le Pont Neuf.
Les troupes atteignent la place Saint Sulpice, et occupent la mairie du VIème; rue Vavin, après deux jours de combats acharnés, les défenseurs de la barricade font exploser la poudrière du Luxembourg et se replient vers le Panthéon. Les lignards traversent le palais, qui n’est pas défendu, et surprennent la barricade de la rue Soufflot, qui garde l’accès au Panthéon.
À quatre heures, la montagne Sainte Geneviève est assaillie de tous les côtés. La plupart des fédérés ont fui, et les versaillais n’ont aucun mal à occuper le Panthéon. Là, leur progression se heurte à la résistance tenace des défenseurs du 13ème arrondissements. Depuis la Butte-aux-Cailles, qui pilonne les positions versaillaises, Wroblewski et ses hommes repoussent plusieurs offensives de l’armée régulière. Ce soir leurs positions tenaient encore.
À peine les positions conquises, les soldats commencent les massacres. Comme après la prise de Montmartre, les lignards exécutent au hasard. Au Panthéon, quarante prisonniers sont alignés rue Saint Jacques, et fusillés. Raoul Rigault, arrêté rue Gay-Lussac, est reconnu à son uniforme; on lui ordonne de crier « Vive Versailles ». « Vous êtes des assassins », répondit-il. « Vive la Commune ! » Ce furent ses dernières paroles.
Les exécutions n’épargnent personne, hommes, femmes, enfants et vieillards. Les journaux de Versailles ont inventé pour justifier ces crimes le mythe des pétroleuses. Les femmes sont accusées de remplir de pétrole les caves des maisons, pour livrer Paris aux flammes et à la destruction. Sous ce prétexte mensonger, on exécute de nombreuses femmes, interpellées au hasard dans la rue.
En représailles, les fédérés décident d’appliquer le décret du 5 avril sur les otages. La plupart d’entre eux ont été rassemblés à la prison de la Roquette, où l’on a transféré la veille les détenus de la prison de Mazas. Dans l’après-midi, Genton, délégué de la Sureté Générale, forme un peloton d’exécution. Six otages, dont l’archevêque de Paris, Mgr. Darboy, sont conduits au mur et exécutés.
À la mairie du 11ème arrondissement se rassemblent les derniers défenseurs de la Commune. Autour de 14h, les quelques officiers, membres de la Commune et du Comité Central présents se réunissent. Delescluze propose de rassembler les fédérés encore fidèles sur le boulevard Voltaire, où l’on passera en revue les bataillons de la Garde Nationale présents. On décidera ensuite des points à reconquérir.
La résistance se concentre maintenant dans les quartiers populaires du Nord-Est de Paris. Des préparatifs ont lieu Bastille, rue Saint Antoine, rue de la Roquette. On barricade les boulevards Voltaire et Richard Lenoir, la place du Château d’Eau, les rues Oberkampf, du Faubourg du Temple ou de la Fontaine aux rois. Brunel dirige les opérations dans le 10ème, met en état de défense le boulevard Magenta et Strasbourg, les portes Saint Denis et Saint Martin.
Les artilleurs de la Commune pillonnent les quartiers envahis. Aux Buttes Chaumont, Ranvier coordonne les efforts des fédérés, et fait cannoner toute la nuit les positions ennemies. Les canons de Bicêtre et du Père Lachaise bombardent les quartiers occupés. La barricade de la rue Puebla, munie de cinq canons, protège l’accès aux Buttes. Les versaillais essuient aussi le feu des pièces de la Butte-aux-Cailles, tenue par les hommes de Wroblewski.
La nuit est illuminée par les incendies. L’Hôtel de Ville, les Tuilleries, le Palais Royal, la porte Saint Martin, l’Église Saint Eustache, et les barricades de la rue Royale, et de la rue de Rivoli sont en flammes.
© illustrations: Bibliothèque historique de la ville de Paris, éditions Dittmar, Musée Carnavalet.