La colonne Vendôme

Aujourd’hui la démolition de la colonne Vendôme, prévue depuis plusieurs semaines, a été achevée. Cet édifice consacré à la gloire impériale, ce symbole du militarisme et de la barbarie, forgé dans les canons pris aux armées russes et autrichiennes par Napoléon Ier, n’avait plus sa place dans la ville insurgée.
Cet après-midi autour de 17h, la colonne du tyran s’est écrasée dans un lit de fumier, aux acclamations des bataillons de la Garde Nationale et des nombreux parisiens réunis pour l’occasion.

La Colonne Vendôme à terre, lundi 16 mai 2011, place Vendôme ( google map )

C’est en grande cérémonie et en présence d’une foule nombreuse, encadrée par les gardes nationaux fédérés, qu’on a enfin mis à bas la colonne impériale. Le décret, proposé par Felix Pyat, avait été voté le 12 avril dernier. Il affirmait avec raison que la colonne Vendôme « est un monument de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus”. Le conseil de la Commune avait adopté la motion.

La démolition était prévue pour le 5 mai,  jour anniversaire de la mort de Napoléon, mais la situation militaire avait empêché de tenir ce délais. Plusieurs fois repoussée, la cérémonie avait été finalement annoncée pour le 16 mai 1871.

En début d’après-midi, à partir de 14h, la foule commence à se rassembler derrière les barricades qui bloquent l’accès à la place Vendôme. La place est remplie de gardes nationaux. De très nombreux parisiens se bousculent entre la rue de la Paix et la rue Castiglione, apparaissent aux fenêtres ou observent la scène depuis les toits. Le peuple de Paris, unanime à dénoncer les crimes de l’Empire et les horreurs de la guerre qu’il ne connaît que trop bien, était venu en masse fêter la destruction de la colonne honnie.

À 15h30, la cérémonie commence. Les 172ème et 190ème bataillons de la Garde Nationale entament la Marseillaise, puis le Chant du Départ. Entre les chansons, la foule scande un quatrain de circonstance, adressé à la statue de Napoléon installée au sommêt de la colonne :

Tireur juché sur cette échasse,
Si le sang que tu fis verser,
Pouvait tenir sur cette place,
Tu le boirais sans te baisser.

À 17 heures, les musiques cessent brusquement. Un officier apparaît sur la plate-forme, retire le drapeau rouge qui y était fixé, et le remplace par un drapeau tricolore, qui accompagnera le tyran dans sa chûte. On a scié la colonne, et le sommet est attaché à un cable, relié à une poulie. Les fédérés n’ont plus qu’à tirer sur le cable pour faire basculer l’ouvrage.

À 17h30 enfin, aux acclamations des parisiens, la colonne tombe. Amortie dans sa chute par un lit de fumier et de sable placé dans l’axe de la rue de la Paix, elle gît maintenant à terre et les Parisiens se pressent autour des débris pour s’y faire photographier.

À Versailles, les réactionnaires accusent Courbet d’être l’instigateur de la démolition, alors même que celui-ci a quitté hier le conseil de la Commune avec ses camarades de la minorité, et n’a jamais défendu explicitement un tel projet.

La décision avait été prise par le Conseil de la Commune le 12 avril à minuit, devant une dizaine d’élus seulement. Gustave Courbet ne pouvait pas être présent le 12 avril, puisqu’il n’avait pas encore été élu. Il n’entre au conseil que le 16 avril, élu par le VIème arrondissement aux élections complémentaires. Il n’était même pas présent à la cérémonie qui s’est tenue aujourd’hui place Vendôme.

Pourtant, les bourgeois ont décidé d’en faire le seul responsable. On parle déjà de lui faire payer les frais de réparation, quand le gouvernement aura rétabli l’ordre à Paris.

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© illustrations: Bibliothèque historique de la ville de Paris, éditions Dittmar, Musée Carnavalet.