La rive gauche Conquise

La Commune ne contrôle plus que les quartiers populaires du Nord-Est de Paris. Après la chute du Panthéon, c’est au tour de la Butte-aux-Cailles d’être enlevée dans l’après-midi par les soldats de Versailles. Les combats se concentrent alors place du Chateau-d’Eau, où la résistance est exemplaire. Delescluze, épuisé de tant d’efforts, et qui refuse de se laisser prendre vivant, se fait tuer sur la barricade du boulevard Voltaire.

En fin de journée la Bastille tient encore. Le grenier d’abondance, occupé par les hommes de Vinoy, a été incendié par les défenseurs de la Bastille. Les communards évacuent la mairie du XIème. Les exécutions sommaires se multiplient, et les soldats vont jusqu’à chercher les blessés aux ambulances pour les achever.

Les bombardements n’ont pas cessé de toute la nuit. À la faveur de l’obscurité, les fédérés transportent les canons du Xème place du Château-d’Eau, et l’arrondissement est évacué. Brunel et les Pupilles de la Commune restent en arrière, et tiennent les barricades de la rue Magnan et le quai de Jemmapes, face aux soldats qui ont pris la partie Nord du boulevard Magenta. Les gardes nationaux qui vont chercher du repos trouvent au matin leurs barricades occupées, le drapeau rouge remplacé par le tricolore.

Rive gauche, les Versaillais renforcent leurs positions. Ils font installer des batteries place d’Enfer, au Luxembourg et sur les remparts, au niveau du bastion 84. C’est une cinquantaine de canons et mitrailleuses qui sont braqués sur la Butte-aux-Cailles; Cissey, désespérant d’enlever le XIIIème arrondissement, défendu avec acharnement et méthode par les hommes de Wroblewski, fait bombarder la butte. En difficulté depuis la prise du Panthéon hier après-midi, le général polonais compte sur la barricade du Pont d’Austerlitz pour assurer le lien avec les fédérés de la rive droite, et fait rassembler ses canons place Jeanne d’Arc, où il installe son quartier général.

À midi commence l’attaque de la butte. Les forts de Montrouge et de Bicêtre ont été abandonnés dans la nuit par les garnisons, et les versaillais y installent des pièces d’artillerie qui canonnent le fort d’Ivry et la Butte-aux-Cailles. Les soldats se séparent, une division remonte l’arrondissement par le sud, et contourne les principales barricades par les jardins, tandis que l’autre attaque par l’avenue des Gobelins. Au prix d’une longue fusillade, les deux détachements se rejoignent à la mairie de l’arrondissement, située place d’Italie.

Wroblewski, qui a reçu depuis ce matin l’ordre de se replier vers le 11ème, s’obstine jusqu’en milieu d’après-midi. Mais les Versaillais, qui tiennent désormais les avenues d’Italie, de Choisy et des Gobelins, remontent le boulevard Saint-Marcel. Évitant de justesse à ses troupes d’être encerclées, il se retire en bon ordre vers la rive droite, avec ses canons et un millier d’hommes. Le feu de la barricade du pont d’Austerlitz protège sa retraite. Les derniers gardes nationaux restés défendre leur quartier sont capturés, et exécutés. La rive gauche est désormais entièrement occupée par l’ennemi.

Rive droite, l’incendie de l’Hôtel de ville est maîtrisé, et les ruines de la Maison Commune sont occupées par les soldats. Vers 10h, ils parviennent à la barricade du faubourg Saint Denis qu’ils contournent, et capturent dix-sept fédérés, sommés de se rendre. Les gardes nationaux refusent, et ont à peine le temps de crier « Vive la Commune » que les lignards les fusillent. Les Versaillais occupent la barricade Saint Laurent, font pointer des canons sur la place du Château d’Eau, et descendent ensuite vers la place par les quais de Valmy et la rue de Lancry.

Les hommes de Clinchant et Douai marchent sur la place du Château d’Eau, tandis que ceux de Vinoy continuent vers la place de la Bastille. Quelques barricades résistent encore dans les quartiers du centre, comme rue Charlot ou rue de Saintonge dans le IIIème, ou rue Montorgueil dans le IIème arrondissement. Plus à l’est, Vinoy contourne la place de la Bastille par les quais de l’Arsenal, et réussit à faire occuper à ses hommes le grenier d’abondance. Menacés par cette nouvelle position des versaillais, les fédérés qui défendent la place incendient le bâtiment.

Le grenier d’abondance détruit par les flammes, boulevard de la Bastille ( google map )

Les combats se concentrent place du Château d’Eau, où la résistance est très sérieuse. Les barricades des boulevards Magenta et de Strasbourg n’ont pas tenu. Les pupilles de la Commune, un bataillon de fédérés composé d’enfants de 10 à 17 ans, tiennent seuls la rue Magnan pendant plusieurs heures. Les versaillais parviennent à les repousser, et occupent leur caserne, située au numéro 12 de la place. Brunel, qui combattait depuis quatre jours, tombe blessé à la cuisse. Les pupilles de la Commune l’évacuent sur un brancard.

enfants pupilles de la Commune

La barricade du boulevard Voltaire tient toute la journée. Les quelques infatigables de la Commune, Lisbonne, Theisz, Jaclard et Jourde y résistent encore. Vermorel, à cheval, fait le tour des barricades, entretient le moral des fédérés, et dirige les renforts vers les positions menacées. Les blessés de la Bastille sont dirigés vers la mairie du XIème. Parmi eux, les élus de la Commune reconnaissent Elizabeth Dmitrieff, qui arrive en soutenant Leo Frankel, lui aussi blessé à la barricade du faubourg Saint Antoine. Wroblewski, qui revient de la Butte-aux-Cailles, continue la lutte comme simple soldat.

À 19h heures, la place est déchirée par les bombardements et les incendies. Delescluze refuse de survivre à une nouvelle défaite. Résolu, il s’avance vers la barricade. Vermorel, qui le suit, est grièvement blessé. Le délégué à la guerre lui serre la main, et se dirige au pied de la barricade. Les gardes qui l’accompagnent sont contraints de reculer par les rafales de mitraille des versaillais. Delescluze gravit les pavés et se hisse au sommet de l’ouvrage, le poing tendu vers l’ennemi. Puis il tombe mort. Quelques gardes nationaux qui veulent le relever tombent à leur tour.

La mort de Delescluze, barricade du Chateau d’Eau

Ce soir, la Bastille et le Château d’Eau appartiennent encore aux fédérés.

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© illustrations: Bibliothèque historique de la ville de Paris, éditions Dittmar, Musée Carnavalet.