Fédération des Artistes
Hier soir le général Dombrowsky a repoussé une nouvelle offensive des troupes des Versailles. À Paris la Commune s’organise. Aujourd’hui Gustave Courbet a annoncé la création de la fédération des artistes. Élu président de la Société des peintres voilà trois jours, le célèbre peintre réaliste entend ainsi unir « toutes les intelligences artistiques » pour concourir « aux splendeurs de l’avenir et à la République universelle ».
Devant plus de 400 professionnels du métier réunis au grand amphithéâtre de l’école de médecine, le peintre définit le projet qui anime la fédération des artistes. Gustave Courbet espère servir un double objectif en mettant en place cette organisation. D’une part, il vient en aide à sa profession, en crise depuis que le siège de Paris puis sa prise en main par la Commune ont fait fuir les riches clients de la ville. D’autre part, il la met au service de la glorieuse entreprise communarde, en voulant l’exalter par des spectacles et des chefs d’œuvre.
Depuis ses origines, la Commune compte dans ses membres de nombreux artistes, hommes de lettres ou chansonniers. Avec cette fédération qui doit rassembler tous les représentants de la peinture, de la sculpture, de la décoration, de la gravure et de l’architecture, elle retrouve un allié naturel. Il n’y a qu’à se rappeler la répression féroce que subirent les artistes socialement engagés sous Napoléon III, à commencer par Gustave Courbet et son Origine du monde. Parmi les autres membres du comité, 47 en tout, élus au suffrage universel des artistes, on compte d’autres opposants du régime impérial, comme les caricaturistes Daumier et Gill, ou les peintres Corot et Manet. Ce dernier a d’ailleurs été élu sans être présent au grand amphithéâtre.
À l’annonce de la création de la fédération, la Commune décide de confier à Gustave Courbet la tâche de rouvrir les musées à travers la capitale. L’accès à l’art sera désormais gratuit. Partisan de toujours de la révolution, Courbet avait été nommé président de la commission des musées et délégué aux Beaux-Arts lors de la proclamation de la République le 4 septembre.
Le peintre déclare vouloir poursuivre la reconquête artistique de Paris. Il ne compte pas se limiter à rouvrir les salles pour mettre en scène des spectacles en faveur des veuves et des orphelins de la garde nationale. La fédération des artistes devrait se mettre à la rédaction d’un rapport sur les réformes à apporter dans l’administration des Beaux-Arts. Un membre du comité rêve déjà à haute voix d’un « gouvernement du monde des arts par les artistes » et d’une« regénération de l’avenir » par l’art. Le rapport sera ensuite présenté à la Commission de l’Instruction publique. Une prochaine réunion est prévue au Louvre le 17 avril.
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© illustrations: Bibliothèque historique de la ville de Paris, éditions Dittmar, Musée Carnavalet.