L'école laïque et gratuite
La mairie du 10e arrondissement a annoncé aujourd’hui dans le Journal Officiel l’ouverture d’une école communale gratuite, située au 157 Faubourg Saint-Martin. Conformément au décret adopté le 2 avril par le conseil de la Commune, l’enseignement sera laïque et « rationnel ». L’éducation est une tâche fondamentale de la Commune, qui sait que le goût de la liberté s’apprend et se cultive. Il s’agit de populariser les sciences et les arts, et de les diffuser à toutes les couches de la société. Enthousiaste, Louise Michel exalte « l’ardeur de la jeunesse » qui a « hâte de s’échapper du vieux monde ».
L’empire avait favorisé le développement des écoles privées tenues par les congréganistes. Enseignants et directeurs étaient donc pour beaucoup hostiles à la politique laïque de la Commune qui ne s’accorde guère avec leurs opinions. Désertées suite au siège et aux bombardements, la plupart des écoles avaient cessé de fonctionner depuis plusieurs mois. Après avoir séparé l’Église de l’État en abrogeant le Concordat, mesure qui revenait notamment à retirer le monopole de l’enseignement des mains de l’Église, la Commune a chargé la commission de l’Enseignement d’inventer l’école nouvelle. L’instruction n’y sera pas dispensée par des religieux, mais des fonctionnaires commis de l’État, chargés d’éduquer la jeunesse.
L’école sera désormais gratuite pour tous les enfants, sans distinction de classe. Cette gratuité, on la doit pour beaucoup aux mairies qui financent ce qui était autrefois la charge de l’Église. Il est question de former de nouvelles générations de citoyens, les instituteurs devant présenter « toutes les garanties d’instruction et de moralité désirables ». La délégation du IVème arrondissement définit ainsi son rôle dans la révolution communale : « Apprendre à l’enfant à aimer et à respecter ses semblables, lui inspirer l’amour de la justice, lui enseigner qu’il doit s’instruire en vue de l’intérêt de tous, tels sont les principes de morale sur lesquels reposera désormais l’éducation communale. »
C’est le 20e arrondissement qui a montré l’exemple, prenant en charge la responsabilité financière de l’école gratuite et laïque. Il s’agit maintenant de trouver des professeurs pour remplacer ceux qui ont fui. Les prétendants auront fort à faire. En effet, “tous les enfants de six à quinze ans, quelque soient leur nationalité et la religion qu’ils professent, seront admis”.
Les cours ne se limiteront pas à la grammaire et aux mathématiques. D’abord, parce qu’ils s’étendront au dessin et à la musique, afin d’initier les enfants à la culture et aux arts. Ensuite, parce qu’en accueillant les enfants de toute confession, les classes seront soulagées de la tutelle religieuse : elles pourront délivrer un enseignement scientifique et rationnel, formant enfin des hommes libres et non plus des sujets.
On trouve de nombreuses femmes prêtes à se dévouer à la tâche, qui ont insisté sur la nécessité de tenir au plus vite un conseil sur le rôle des écoles professionnelles pour filles. La révolution féminine, soutenue par Louise Michel et l’Union des Femmes d’Elisabeth Dmitrieff, est en marche. Vieux rêve d’Auguste Blanqui, toujours retenu prisonnier, les instituteurs et les institutrices recevront le même salaire.
___________________
© illustrations: Bibliothèque historique de la ville de Paris, éditions Dittmar, Musée Carnavalet.