Les amis de l'ordre
Les partisans de Versailles, réunis place Vendome, ont attaqué les gardes nationaux qui encadraient la manifestation. Répondant à des tirs de révolver, les fédérés ont ouvert le feu.
Depuis le 18 mars au soir, le comité central siège à l’Hôtel de Ville. Les délégués, prenant acte de l’agression de Versailles qui avait tenté de soutirer les canons de la garde nationale, décident d’organiser des élections communales. Mais les maires d’arrondissement ne sont pas disposés à céder leur place.
Pendant ce temps, les réactionnaires des quartiers bourgeois s’organisent. Les parisiens du centre et de l’ouest de la ville, qui répugnent d’ordinaire à se méler à la foule des mécontents, protestent contre la tenue des élections municipales voulues par le Comité Central. À l’appel d’un capitaine de bataillon loyaliste, ils s’étaient déjà réunis hier pour remettre en cause l’autorité du comité.
Je viens faire appel au patriotisme et à la virilité de la population qui veut l’ordre, la tranquillité et le respect des lois. Le temps presse pour former une digue à la révolution.
– A. Bonne, capitaine du 253ème bataillon de la garde nationale.
Ils sont quelques centaines tout au plus à répondre à son appel. Bourgeois de la finance ou de la presse, ils défilent sur les boulevards derrière un drapeau éloquent, « Réunion des Amis de l’Ordre ». Après un passage devant la Bourse où le cortège s’aggrandit, ils se dirigent vers la place Vendôme, siège de l’état-major de la garde nationale. Bergeret, à la tête de deux compagnies, fait évacuer la place sans violence. Les amis de l’ordre se donnent rendez-vous pour le lendemain.
Cet après-midi, ils étaient un millier rassemblés place de l’Opéra. Parés de rubans bleus, un immense drapeau tricolore en tête, les Amis de l’Ordre s’engagent rue de la Paix. Très vite les affrontements commencent. Rue Neuve-Saint-Augustin, deux gardes nationaux sont insultés, désarmés et frappés. Aux cris de « Vive l’Ordre ! Vive l’Assemblée ! À bas le Comité ! », les manifestants courent vers l’entrée de la place Vendôme, où sont postés les bataillons de Bergeret.
Les gardes procédent à plusieurs sommations, mais les manifestants continuent d’avancer. Un tir de révolver part de la foule, et blesse Maljournal du Comité Central, venu pour négocier. À la dixième sommation, alors que de nouveaux coups de feu atteignent la première ligne, les gardes nationaux ouvrent le feu. La foule se disperse immédiatement.
De nombreux fédérés tirent en l’air. Si l’on déplore une dizaine de morts et autant de blessés, ils auraient pu être « des centaines si la Garde Nationale avait visé », rapporte un témoin.
En effet, ce sont 500 chassepots qui étaient alignés face aux assaillants. Certains des manifestants ont même été tués par des tirs venant de leur propre camp. Du côté fédéré, les affrontements ont fait deux morts et sept blessés.
Dans la soirée, les bataillons bourgeois se regroupent et prennent la mairie du IXème arrondissement. La Garde Nationale déploie des troupes dans toute la ville, et le comité central repousse les élections au dimanche 26 mars.
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© illustrations: Bibliothèque historique de la ville de Paris, éditions Dittmar, Jacques Tardi et Jean Vautrin, Musée Carnavalet.