Les Communes de province

«Nous, citoyens de Paris, nous avons la mission d’accomplir la révolution moderne, la plus large et la plus féconde de toutes celles qui ont illuminé l’histoire. Nous avons le devoir de lutter et de vaincre !» La Commune a adressé aujourd’hui un message de fraternité au peuple français, qu’elle espère voir se transformer en soutien concret. Isolé du reste de la France, encerclé par le gouvernement de Versailles et les troupes prussiennes, Paris a besoin de la province pour défendre sa révolution.

Paris a déjà été plusieurs fois à l’initiative des mouvements révolutionnaires français : chaque fois qu’on a proclamé la république  par le passé, c’était sous la pression du peuple parisien. C’est ce que rappelle le message aux provinces écrit par cinq membres du conseil dont Vallès et Delescluze. « Grandes villes de France, assisterez-vous immobiles et impassibles à ce duel à mort de l’Avenir contre le Passé, de la République contre la Monarchie ? ».

Ballons servant à l’envoi des dépêches devant l’Hotel de Ville, le 21 avril 1871

Les parisiens ne ménagent pas leurs efforts pour tenter d’établir des liens durables avec les mouvements provinciaux. Ainsi, Amouroux a été dépêché à Lyon puis à Marseille, pour coordonner les actions. En février déjà, André Léo avait publié dans son journal La Sociale un appel à la province, qui avait été diffusé hors de la ville assiégée au moyen de ballons aérostatiques. «Frère on te trompe» disait-elle, s’adressant aux paysans provinciaux. «Nos intérêts sont les mêmes » . C’est l’union des pauvres contre les exploiteurs et les « oisifs » qui doit faire prospérer la révolution.

Mais les régions rurales, qui ont massivement soutenu Napoléon III pendant les plébiscites de l’empire, sont tenues par les notables locaux, pour la plupart bonapartistes ou monarchistes. Ce sont leurs voix qui ont porté au pouvoir l’Assemblée Nationale qui siège à Versailles, à majorité monarchiste.

Hotel de Ville de St-Étienne le 24 mars 1871

Dans les grandes villes ou les bastions ouvriers, les républicains et les travailleurs s’insurgent contre les représentants de l’Assemblée Nationale, qui déclare la guerre au peuple de Paris. On constitue des bataillons républicains de gardes nationaux, on forme des comités révolutionnaires, mais les soulèvements ne parviennent pas à se maintenir.

Combats dans le quartier de la Guillotière, rue de Lyon

Beaucoup rencontrent les mêmes problèmes qu’à Paris. A Lyon, le maire légal Hénon a refusé de céder le pouvoir. Le 25 mars dernier, le préfet de police a dirigé une intervention, qui a eu raison de la résistance des gardes nationaux lyonnais. Le 28 mars au Creusot, vivier de la contestation ouvrière qui avait proclamé la Commune deux jours auparavant, on tire pour disperser le peuple. Le même jour la Commune de Saint-Étienne, proclamée le 24 mars, se rend sans combattre. À Toulouse, où les gardes nationaux se révoltent contre la décision de les envoyer soutenir l’Assemblée Nationale à Versailles, c’est l’intervention du préfet le 27 mars qui met fin à 3 jours de révoltes.

Combats à la Cours de Brosses, dans le quartier de la Guillotière à Lyon ( google map )

À Marseille, l’insurrection est violemment réprimée : le 4 avril, sous les bombardements, la Commune de Marseille est tombée — on compte une centaine de morts et près d’un millier de prisonniers. Autre cité ouvrière, Limoges avait promis de rejoindre Paris. Le 4 avril, les soldats du 9ème régiment refusent de rejoindre l’armée de Versailles pour marcher sur Paris, et fraternisent avec la population à qui ils remettent leurs armes. Mais les nouvelles des échecs essuyés par les fédérés parisiens le 3 avril ont refroidi les ardeurs.

À Narbonne, enfin, l’Hôtel de Ville est repris par un régiment de tirailleurs algériens, suite à la défection de l’armée régulière. Malgré tout quelques manifestations, ces derniers jours, entre Grenoble, Nîmes et Rouen, donnent un peu d’espoir à Paris.

La Commune de Marseille bombardée, le 4 avril 1871, rue de Marseille, Paris

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© illustrations: Bibliothèque historique de la ville de Paris, éditions Dittmar, Musée Carnavalet.